Films et vidéos

Les années prodiges

DU 16 AU 23 JUIN 2010

Le Windigo montre son pouvoir néfaste et les zombis prennent d’assaut les écrans de Présence autochtone 2010 et espèrent, avec leurs dégaines de morts-vivants, arracher un grand prix Teueikan.

Les zombis se retrouvent dans le long métrage, The dead can’t dance du jeune cinéaste comanche Rodrick Pocowatchit qui sera à Montréal, bien vivant, pour l’occasion. Humour légèrement déjanté toujours sur le bord de l’éclat (de rire) mais avec une retenue qui le maintient (presque) toujours en deça. Typiquement amérindien.

Plus inquiétant s’avère le monstre qui s’insinue dans la vie d’une famille dysfonctionnelle dans A Windigo Tale que Armand Garnett Ruffo, poète et dramaturge ojibway canadien, a réalisé d’après sa propre pièce. Souffle glacé de l’au-delà bien au rendez-vous de cette étonnante production à la solide structure narrative où le punch final porte. Avec Gary Farmer dans un des rôles principaux.

Genre fantastique également avec une revisite des contes traditionnels, dans Visions, un téléfilm québécois (avec une révélation : le jeune Brad Gros-Louis, remarquable dans le rôle principal). Et aussi dans les courts The Cave d’après un récit Tsilhqot’in (question aux érudits : Irving aurait-il tiré Rip Van Winkle de cette ancienne légende ?), Windigo (encore lui) tourné chez les Atikamekw; et Tsi Tkahehtayen (The Garden), fable morale tournée en langue mohawk.

Parfois, l’élément surnaturel est à peine esquissé, métaphorique, comme dans Kissed by Lightning de Shelley Niro où la métonymie réunit le nom d’un défunt avec l’éclair (lightning en anglais). Procédé similaire, dans un documentaire cette fois, intitulé Tcikitanaw (haute montagne, en atikamekw) où la montagne se fait présence immémoriale et des hauteurs de laquelle l’esprit trouve où prendre son envol. Dans Altiplano, ce sont les correspondances que le film établit entre des événements à prime abord isolés, une statue brisée, un déversement de matières toxiques, une exécution photographiée en Irak, un enterrement en Belgique, qui nous amènent à une vertigineuse vue sur l’unité secrète du monde dans lequel nous vivons sans en connaître les arcanes souterrains.

Et, dans maints documentaires, c’est souvent le réel lui-même qui prend des couleurs inattendues : des expérimentations secrètes menées par le gouvernement canadien que Experimental Eskimos nous dévoile; la disparition pour des motifs obscurs, sinon inavouables, des mythiques chiens de traîneau du Grand Nord, narrée dans Qimmit : un choc, deux vérités; des guérilleros tribaux qui, avec plumes et tatouages, tiennent tête à la puissante armée d’occupation indonésienne en Papouasie occidentale dans Forgotten Birds of Paradise; un cérémonial ancien et disparu qui renait de façon inattendue dans Le Retour de la danse de l’oie; un cirque ambulant se déplace en motoneige sur les vastes étendues glacées du Grand Nord canadien dans Artcirq.

On peut aussi qualifier de fantastique le fait que plusieurs longs métrages puissent aujourd’hui avoir été tourné chez les Premières Nations, et presque toujours par des réalisateurs ou des producteurs indépendants qui en sont à leurs premières armes en ce domaine.

Le monde à la porte du village

En 2001, on s’en rappelle, à Cannes, remise de la Caméra d’or à Zacharias Kunuk pour Atanarjuat. En 2009, rebelote : Warwick Thornton, un Aborigène d’Australie, se voit remettre la même récompense pour Samson and Delilah; une âpre histoire d’amour entre des adolescents damnés par la vie mais illuminés par la grâce immatérielle de la lumière du désert où ils auront trouvé refuge, que les Montréalais pourront enfin découvrir lors du festival 2010.

Anastasia Lapsui, réalisatrice nénètse, et Markku Lehmuskallio, avec qui elle coréalise ses films, auront dû attendre plus longtemps que les précédents la reconnaissance internationale. Présenté à Berlin et primé à Créteil, Pudana, Last of the Line, leur plus récent long-métrage, sera présenté dans le cadre d’une rétrospective que la Cinémathèque québécoise consacre au tandem. Pour les cinéphiles dépités d’avoir raté, lors de précédentes éditions de Présence autochtone, la projection du magnifique long métrage Les Sept chants de la toundra et celle du non moins fascinant La Fiancée du septième ciel (grand prix Teueikan, Présence autochtone 2006), voici l’occasion de découvrir de grands cinéastes et, en prime, de pouvoir jeter un regard sur leur travail documentaire. Et qui donc sera le prochain cinéaste des Premières Nations à se voir remettre un prix à Cannes ou à Berlin ?

Beaucoup parient déjà sur Blackhorse Lowe, le talentueux réalisateur navajo, qui nous présente cette année Shimásání et b. Dreams. Ou sera-ce, du Québec, un cinéaste issu des stages dispensés par le Wapikoni mobile (qui nous offre cette année deux courts inédits : Bienvenue dans mon monde de Érik Papatie, le film d’ouverture, et Game over de Jacques Newashish) ? Ou encore d’une formation en audiovisuel dispensée par l’UQAC à Wendake (expérience d’où proviennent les courts métrages Uashtushkuau et L’Envol du Papillon) ? Ou du projet conjoint APTN et Canal D (qui a permis à Sonia Bonspille-Boileau de réaliser Last Call Indien) ? Un des prix offerts à la relève cinématographique des Premières Nations du Québec par Main Film et Télé-Québec serait déjà un bon départ pour ceux-là.

Il suffit de voir, de Nouvelle-Zélande, Warbrick des frères Meihana et Pere Durie, d’Australie, Bourke Boy d’Adrian Wills ou, de Russie, Ivan and Ivan de Philipp Abryutin, ou encore, du Mexique, Où la rivière te mène de Rafael Silverio, pour se convaincre que le talent émergent parmi les peuples premiers est un phénomène planétaire. Beaucoup de délibérations en perspective pour décider qui recevra le prix du meilleur court métrage cette année.

L’Amérique latine avec Sangradouro, produit au Brésil par Vídeo nas Aldeias, avec Rehje, portrait intime d’une Mazahua réalisé par les mexicains Raúl Cuesta et Anais Huerta, et avec Et le fleuve coule encore de Carlos Perez Rojas, est en bonne position pour le prix du Meilleur documentaire octroyé par la revue Séquences.

Indéniablement international, le mouvement d’affirmation des nations premières (du Chili, The Voice of the Mapuche et de la Norvège, Suddenly Sami, sont aussi au programme) se déploie sur les écrans de Présence autochtone 2010. Bonne chance à tous les fiers compétiteurs.

20 ans plus tard

C’est le vingtième anniversaire de la crise d’Oka. Le centre linguistique et culturel Kanien'kehá:ka Onkwawén:na Raotitióhkwa (Kanien'kehá:ka Onkwawén:na Raotitióhkwa Language and Cultural Center), en collaboration avec Présence autochtone, présente une rétrospective de films qui ont porté sur les fameux événements. Celle-ci se conclura par le monumental Kanehsatake, 270 ans de résistance d’Alanis Obomsawin, qui sera précédé par divers films, aujourd’hui historiques, que la célèbre cinéaste abénakise a réalisés sur la question. Ce sera aussi une rare occasion de voir Indian Summer de Gill Cardinal où la forme fictionnelle donne la liberté de narrer ce qui se passa derrière les portes closes dans les cabinets ministériels, aux séances de négociations, dans les réunions des Conseils mohawks, au QG de la SQ et dans le camp retranché du Treatment Center. Merci à l’ONF et à Ciné Télé Action pour leur collaboration.

À la belle étoile

VENDREDI 18 JUIN À 21 H : Court mais intense, une sélection de courts métrages produits par l’ONF ou issus des ateliers du Wapikoni mobile.

SAMEDI 19 JUIN À 21H30 : Reel Injun de Neil Diamond – Canada 2009 – : Le cinéma, Hollywood et les Amérindiens.

À l’intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue Bagg, le long du Bain Schubert (3950, boul. Saint-Laurent).

Remise de prix

MUSÉE McCORD
SAMEDI 19 JUIN, À 16 H – 690, rue Sherbrooke Ouest

Prix «Las Cámaras de la Diversidad» au festival Présence autochtone

Agence des Nations Unies pour la culture, l’UNESCO favorise la promotion de la diversité culturelle à travers la création audiovisuelle autochtone et communautaire en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ses actions, menées dans le cadre du projet Las Cámaras de la Diversidad (Les Caméras de la Diversité), ont pour but, à moyen et long terme, de contribuer stratégiquement à la formation, la production, la diffusion, la distribution et la préservation de l’audiovisuel des Premières Nations latinoaméricaines et des Caraïbes. Depuis 2007, le Réseau de diffusion - Las Cámaras de la Diversidad diffuse des sélections de programmes audiovisuels autochtones et communautaires dans les principaux événements et festivals régionaux ou internationaux. De plus, afin de stimuler la production en langues indigènes et d’offrir une visibilité aux événements et festivals nationaux, régionaux et internationaux, un prix Las Cámaras de la Diversidad a été créé pour récompenser les oeuvres audiovisuelles qui, à travers un langage narratif original, expriment le mieux la diversité des expressions et de l’héritage culturel des peuples autochtones.

Le prix Las Cámaras de la Diversidad 2010 sera attribué lors de la cérémonie de remise des prix du festival Présence autochtone, le samedi 19 juin, à 16 h, au musée McCord.