Sur des chemins inconnus

L’ouverture de la sélection 2006 se fera sous le signe de la cosmovision traditionnelle et de sa survivance dans les rituels d’aujourd’hui. Le Monde du rêve, des productions Manitou se donne comme une introduction aux arcanes de la spiritualité des Innus, alors que, Le drum, réalisé par des jeunes autochtones habitant Montréal, nous parle de la présence et de la signification du tambour. D’un côté, un produit exemplaire émanant d’une boîte implantée en Nitassinan dont la constance dans la production et la persévérance dans l’engagement auprès de la communauté force le respect. De l’autre, un courtmétrage émanant d’un atelier de formation vidéo tenue sous le triple patronage de Terres en vues, du Vidéo Paradiso et du Centre d’amitié autochtone de Montréal. Du versant territoire, des aînés qui puisent aux racines d’une spiritualité vivante, et du versant urbain, une jeunesse qui vit sa modernité au diapason des chants ancestraux. Le film Sigwan de Alanis Obomsawimn complète cette programmation.


A BRIDE OF THE SEVENTH HEAVEN

Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio, qui nous avaient donné le très beau film Les sept chants de la toundra, nous reviennent avec une œuvre forte basée sur un rituel traditionnel encore existant: une jeune fille est mariée au dieu Num, gardien du septième ciel, et devient une intermédiaire entre le monde des dieux et celui des vivants. Seul un puissant shaman pourra libérer la femme de ce sacerdoce exigeant. Les 35 000 Nénets depuis leur lointaine toundra sibérienne nous amènent donc en première canadienne, le long-métrage de fiction A Bride of the Seventh Heaven, entièrement tourné en langue nénet.


INDIAN SUMMER, THE OKA CRISIS

Les réactions que suscitera ici la télésérie Indian Summer, The Oka Crisis accapareront le devant de la scène et, dans la passion du moment, on négligera sans doute de prendre date d’un fait remarquable: en 2006, une grande production télévisuelle canadienne aura pu faire appel à un réalisateur, à un scénariste et des à comédiens amérindiens pour traiter, illustrer et interpréter une histoire qui concerne les Premières Nations du Canada. Et le plus étonnant est que cela ne surprendra plus personne. Profitons en pour saluer le courage d’un producteur montréalais, Claudio Luca, qui n’en est pas, il est vrai, à son premier coup d’audace (il a été le producteur de la série The Boys of Saint-Vincent). De l’intérieur de la communauté (par les yeux de Ellen Gabriel magnifiquement interprétée par Alex Rice) et dans les officines des négociateurs qui cherchent une issue honorable à la crise (Tony Nardi rend un Ciacia plus vrai que nature), le moment historique, qui a agi comme un séisme dont les effets se font encore sentir aujourd’hui, nous est rendu du point de vue de certains personnages clé.

LANCEMENTS ET PREMIÈRES MONDIALES AU PROGRAMME DE PRÉSENCE AUTOCHTONE 2006

· Avoir un Indien de réserve sur le peintre algonquin John Tenasco, dont on pourra admirer quelques oeuvres exposées du 27 au 8 juin dans le hall du cinéma ONF
· Miroir d'en face de Hyacinthe Combary et Erica Pomerance
· Le défi d'Old Crow de George Payrastre
· La série Mupu de Joséphine Bacon
· Le monde du rêve de Eddy Malenfant
· Une série de vidéos réalisées par des jeunes autochtones urbains au Centre d'Amitié autochtone de Montréal.
Et bien sûr la télésérie Indian Summer, the Oka Crisis de Gil Cardinal

La charge émotive de l’œuvre et son rendu saisissant de réalité vont alimenter bien des débats. (Parmi ceux-ci, il en est un qui mériterait d’être soulevé, et qui concerne l’absence des Amérindiens dans la distribution des dramatiques produites en français au Québec : comment se fait-il que du côté anglophone, on soit capable d’aligner une imposante liste d’acteurs autochtones pour une grande fresque sociale, alors que le Québec francophone, fier de ses succès cinématographiques et télévisuels, ne réussit pas au travers son abondante production à susciter et à soutenir de véritables carrières d’acteur chez les Premières Nations ?)

Au Mexique, les Kikapus Jaime et Emilio Fernandez furent eux des étoiles de l’écran mais un seul des deux frères connut, comme réalisateur, la gloire internationale. Les films signés par Emilio « El Indio » Fernandez furent encensés et célébrés à Cannes et à Venise dans l’après-guerre. On voudra, à l’occasion de la rétrospective présentée à la Cinémathèque québécoise dans le cadre de Présence autochtone 2006, découvrir ou revoir certains chefs d’œuvre injustement oubliés et les somptueuses images de Figueroa, considéré à juste titre comme un des plus grands directeurs photo de l’histoire du cinéma. Par ailleurs, le Mexique amérindien demeure bien présent sur les écrans d’aujourd’hui et la sélection de Présence autochtone 2006 en témoigne : une séance carte blanche au festival « Raiz de la Imagen » et une projection du documentaire italien Zapata en las montanas del Chiapa sont au programme.


RESERVATION WARPARTIES

Les jeunes des Premières Nations prennent l’écran en tant que sujets de documentaire (Urban Inuk, I am going home) et, de plus en plus, à titre de personnages de fiction (The Winter Chill, Johnny Too Tall). Souvent l’œuvre de jeunes réalisateurs, cette émergence passe alors par le court-métrage; parfois amusant (By the rapids, Coureur de nuit), voire hilarant (Future Nation), mais le plus souvent inquiet face à la délinquance juvénile (504938C, Patrick Ross), l’alcoolisme (La bête, Reservation Warparties), le sida (Painted Positive), la monoparentalité (Flat). Mais l’optimisme reprend le dessus et les drames de la vie devront être surmontés (Nothing happenned here, One-eyed dogs are free).

Dans ces œuvres, s’esquisse une image de l’Amérindien qui tranche nettement avec l’icône mythique du bon sauvage courant dans ses bois. La ville et la réserve sont aujourd’hui les milieux de vie et l’horizon de la jeunesse.


PLAINS EMPTY

L’audace dans la forme et le propos s’installe définitivement dans la production audiovisuelle chez les Premières Nations. La ville de Kelowna, cent ans la vieille !, a refusé, le jugeant peu conforme à ses canons esthétiques, le film commémoratif tel que le lui avait proposé Dana Claxton : Anwolek. Shelly Niro emprunte sa structure cinématographique à la musique (Suite: Indian) alors qu’un autre film (Gesture Down, I don’t sing) emprunte à la poésie de James Welsh. Le film de genre commence à s’immiscer dans la variété des productions avec (héritage des contes traditionnels ?) une présence constante du récit fantastique, tels Plains Empty, The Snaring Madman, et The Winter Chill. L’évocation surréalisticopoétique du film noir The Squeeze Box fait ici figure surprenante.


TRUDELL

Le documentaire classique garde toute sa force dans des œuvres maitrisées tels Trudell (sur John Trudell, le célèbre activiste de l’American Indian Movement) ou Le défi d’Old Crow (sur les intervenants sociaux dans une communauté autochtone du Yukon).

De nouvelles avenues sont explorées dans des parcours plus personnels. Ainsi dans The Gift of Diabetes, le réalisateur / narrateur transcende son angoisse de la mort, dans un film quête où les médecins, les herboristes, les philosophes, les anthropologues, les historiens et les aînés sont conviés à donner une réponse à ce cri existentiel : « pourquoi moi ? ».


BROCKETT 99 - ROCK'IN THE COUNTRY

L'important succès underground (via le téléchargement sur internet) d'un pastiche d'émission radio caricaturant grossièrement la vie dans une communauté autochtone donne le point de départ à un voyage questionnement sur la psyché canadienne, sur les mythes raciaux qui la fondent et sur la fonction sociale de l'humour (Brockett 99 - Rock'in the Country). Dans Unakuluk, cher petit, Marie-Hélène Cousineau dialogue avec l'âme ancienne de l'enfant inuit qu'on lui confie en adoption selon un usage séculaire.

L'art et les artistes permettent également des documentaires aux formes plus éclatées : Nikamun (sur la chanson contemporaine innue) et Avoir un Indien de réserve (sur le peintre algonquin John Tenasco).


ALEUT STORY

Le documentaire historique tient toujours une place importante dans les oeuvres concernant les Premières Nations. Aspects méconnus ou oubliés d'une histoire à revisiter dans Aleut Story, Wolastoqewiyic, le peuple de la belle rivière (l'histoire des Malécites de Viger, « le peuple qui ne voulait pas mourir ») et The Lynching of Louie Sam. À signaler, Stealing Little Mary où les techniques médicales d'enquête policière sont appliquées pour réfuter les allégations de l'histoire officielle concernant les Béothuks : les squelettes sont plus éloquents que les écrits et surtout, eux, ne mentent pas.

Enfin la tradition et la spiritualité toujours vivantes demeurent un sujet de prédilection. Boo nous présente un chamane de Sibérie et Native Spirit nous explique le sens et le rituel de la danse du soleil, tandis que La Cacahuète de l'agouti nous amène vers le monde magique des Panarà du Brésil.

Slalomant entre jeunesse et sagesse, la piste film et vidéo s'avère un sentier aventureux propice aux découvertes.


8 juin, la journée du maïs éclaté


1195, Boul. Saint-Laurent

Une journée pleine de couleurs consacrée à la jeunesse de 15 h à minuit à la Société des arts technologiques. Avec des oeuvres nouvelles et des performers de la relève, ce 8 juin sera celui des énergies qui se renouvellent et des émotions qui se partagent. Projection de vidéos, lancement de la Course autour de la Grande tortue, pique-nique, dj-ing et vj-ing en soirée : il n'y aura pas que le maïs qui s'éclatera, on vous le promet !

Le Centre d'amitié autochtone de Montréal et le Vidéo Paradiso se sont associés à Terres en vues pour que des jeunes Montréalais des Premières Nations puissent bénéficier d'un stage en production audiovisuelle*. Les vidéos qui en sont issues expriment avec force et sincérité le vécu et les espoirs d'une génération. Le public est convié à partager avec les jeunes eux-mêmes un grand moment de fierté et de joie alors que la Société des arts technologiques sera le théâtre de la première mondiale de plusieurs des oeuvres de ces vidéastes en herbe (d'autres vidéos du même cru parsèment la programmation de Présence autochtone 2006, voir la grille-horaire des projections au cinéma ONF).

Trouville-sur-mer, charmante station balnéaire de Normandie, est chaque automne l'hôte d'un festival de courts métrages, l'Off-courts, où une imposante délégation québécoise se retrouve tous les ans. Dans le cadre du partenariat établi avec Présence autochtone de Montréal, une journée spéciale fut consacrée aux Premières Nations lors de l'Off-courts 2005. Des vidéos furent improvisées sur place, selon la méthode kinocabaret, avec des équipes francoamérindiano-québécoises. Ne manquez pas de venir voir les scènes inoubliables offertes par les jeunes Amérindiens dans le décor côtier de Trouville.

La course autour de la Grande Tortue est une nouveauté. Des jeunes vidéastes des Premières Nations démarrent leur périple vers une tournée du Québec avant de porter leurs regards sur des horizons plus lointains. Venez saluer ces aventuriers des images surgies de la route et du voyage. Ils se présenteront devant nous avec leurs premiers courts et sera alors donné le signal du départ.

Le Wapikoni mobile est déjà un routier au long cours (et non pas aux longs courts !). De différentes communautés des Premières Nations du Québec, naissent des productions vibrantes de l'âme des jeunes Amérindiens qui y ont inscrit leur propre vision des choses du monde. Une sélection de vidéos récentes sera offerte en présence des vidéastes.

Également, première et lancement de Rêve ton avenir : un voyage à travers quatre communautés, où de jeunes étudiants et décrocheurs racontent, avec leurs histoires personnelles, qu'il est plus sage de s'accrocher à l'école si l'on veut réaliser ses rêves... Nous ferons ce voyage avec les chansons rap de Samien, rappeur Algonquin. Ce documentaire a été fait pour donner envie aux jeunes des Premières Nations du Québec de rester à l'école. De voir en elle la possibilité d'un avenir meilleur...

Les projections se termineront par un joyeux pique-nique dans le parc de la Place du Marché, adjacent à la SAT. Amenez vos sandwiches et votre glacière et venez fêter l'été avec nous.

Et à partir de 20 h, une soirée éclatante avec Geronimo « Mad Eskimo » entre autres virtuoses du dj-ing, le désormais incontournable Samien, grand rappeur originaire de Pikogan et Taqraliq Partrige aux spoken words. C'est une version Premières Nations des soirées mix-session de la SAT.

L'entrée est gratuite.

* Ce projet a bénéficié du soutien de l'Entente sur le développement culturel de Montréal (Ville de Montréal et ministère de la Culture et des Communications)


Activités dans les communautés

KANEHSATAKE
Projections à l'école Aronhiatekha :
Samedi, 27 juin
16h00 Indian Summer, the Oka Crisis (première partie)
19h30 Indian Summer, the Oka Crisis (deuxième partie)
KAHNAWAKE
Atelier d'initiation aux techniques du cinéma d'animation
Les 26, 27, 28 et 29 mai.
Sous la gouverne de Coe Hoedeman (Château de sable, L'ours renifleur) et des formateurs du centre ONF Au Kanien'kehaka Onkwawen:na Raotitiohkwa, au centre ONF et aux studios d'animation ONF.
KAHNAWAKE
Projections au Kateri Hall :
Lundi, 29 mai
18h00 Indian Summer, the Oka Crisis
Mardi, 30 mai
18h30 By the rapids, Hero by Nature, I can make art... like Ron Noganosh, et autres courts-métrages
Mercredi, 31 mai
18h30 Trudell
KITIGAN SIBI
Projection au Centre culturel Anishinabeg :
Jeudi, 8 juin
19h00 Avoir un Indien de réserve