Lauréats 2006


GESTURE DOWN


COUREURS DE NUIT


INUK URBAIN


NIKAMUN


INDIAN SUMMER : THE OKA CRISIS


BROCKETT 99 - ROCKIN’ THE COUNTRY


KIARÂSÂ YÔ SÂTY, LA CACAHUÈTE DE L’AGOUTI


A BRIDE OF THE SEVENTH HEAVEN

Prix de la meilleure photographie
Dans une production indépendante, ne disposant pas de moyens considérables, une caméra attentive bouge avec intelligence dans la lumière naturelle et pense avec sensibilité en captant le prosaïque quotidien des gens humbles. Pour l’authenticité de l’image qui se laisse imprégner des sons et des odeurs des lieux traversés et qui nous rend proches les personnages qu’elle révèle, le jury de Présence autochtone 2006 accorde le prix de la meilleure direction photo à Roldan Lozada pour Gesture Down.

Catégorie Jeune espoir - prix Main Film
Ces coureurs ne couraient pas les concours mais parcouraient rieurs les sentiers nocturnes de leur adolescence. Mais les voici attrapés au vol par un documentaire d’auteur qui avec humour et intelligence prend les jeunes Atikamekw en flagrant délit d’existence. En bout de piste, pour son parcours sans faille, le jury de Présence autochtone 2006, accorde le prix jeunesse à Shanouk Newashish pour Coureurs de nuit.

Catégorie communauté - 1er prix Rigoberta Menchu
Nulle fatalité n’est liée au fait de se retrouver dans l’itinérance à Montréal. Inuk urbain démonte les mécanismes de délocalisation et de dislocation, les facteurs d’aliénation qui poussent maints autochtones à venir grossir les rangs des sans abris. Dans cette approche, le misérabilisme n’a pas sa place, pas plus que le pessimisme. Ce qui peut être compris, peut être changé. Pour ce portrait empreint d’authenticité des décrocheurs sociaux inuit qui, de nostalgie en vague à l’âme, rêvent de la toundra natale en errant dans l’espace urbain, le jury de Présence autochtone 2006 accorde le grand prix Rigoberta Menchu à Inuk urbain.

Catégorie communauté - 2ième prix Rigoberta Menchu
Des paroles s’envolent dans le ciel du Nitassinan aux accents de la langue ancestrale des chasseurs innus. Le temps passe et les saisons changent mais dans l’air les échos des rêves anciens demeurent. Sur les sentiers d’aujourd’hui qui sont allègrement parcourus par les auteurs compositeurs des communautés innues de la Côte-Nord, le documentaire Nikamun accompagne les artisans de la chanson contemporaine dans un périple d’espoir, de guérison et d’affirmation. Pour l’énergie de la jeunesse qui l’anime de part en part et pour son approche fraternelle et enthousiaste d’un courant culturel qui devient phénomène de société, le jury de Présence autochtone 2006 accorde le deuxième prix Rigoberta Menchu à Nikamun.

Catégorie communauté - mention spéciale
Pour son ambitieuse entreprise de construction d’une mémoire historique par le truchement d’une reconstitution fictionnelle des événements, pour la nouveauté du propos alors que pour une fois l’histoire n’est pas écrite avec le point de vue des conquérants, pour le voyant rouge qu’il allume sur le tableau de bord des certitudes paisibles de ceux qui ne voient pas que les détonateurs de la crise sont toujours en place, pour l’espace de dialogue et de débat qu’il ouvre à tous, le jury de Présence autochtone 2006 accorde une mention spéciale à Indian Summer : The Oka Crisis.

Catégorie meilleur documentaire - Prix de la revue Séquences
Un sketch humoristique amena un rire contagieux. Un malaise généralisé fut diagnostiqué puisque ce rire laissait un goût amer dans la bouche de ceux qui en étaient pris. Pour avoir crevé un abcès secret qui rongeait l’âme canadienne, pour avoir amené Drew Hayden Taylor à formuler l’aphorisme « l’humour doit amuser, non pas abuser » et pour avoir tiré à bout portant sur le raciste qui dort dans trop de cœurs, le jury de la le revue Séquences accorde le prix du meilleur documentaire de Présence autochtone 2006 à Brockett 99 - Rockin’ the Country.

Catégorie création - 2ième prix Teueikan
Dans une vision toute amérindienne des choses, le passage du maillot sportif à l’habit liturgique se fait dans une continuité naturelle, les réalités humaines et divines se déployant sur un même terrain. Épousant le rythme des labeurs et de jours, courant derrière les soubresauts d’un ballon de soccer, parcourant en souplesse le champ cérémoniel, la caméra n’est plus un regard extérieur mais captation immédiate du vécu par une équipe de jeunes Panara pour qui foot, rituels, vie quotidienne, alimentation, survie et chamanisme ne sont pas des éléments disparates, manifestations d’une incohérence sociétale postmoderne, mais les pièces essentielles rigoureusement ordonnées de l’harmonie du monde.
Pour cette exemplaire adéquation entre un regard cinématographique singulier et une cosmovision issue de la tradition panara, le jury de Présence autochtone 2006 accorde donc le deuxième prix Teuikan à Kiarâsâ Yô Sâty, la Cacahuète de l’agouti.

Catégorie création - 1er prix Teueikan
Grandiose dans son dépouillement, le paysage de la toundra sibérienne devient la toile de fond d’un drame humain qui prend dans ce décor des allures épiques. Aucun raccourci n’est offert au spectateur pour entrer par effraction dans la complexité de la culture nénet : sans artifices et sans apitoiement, narré avec l’implacable rigueur de la tragédie, le film nous laisse dans l’éblouissement de sa mystérieuse splendeur.
Pour sa qualité d’expression, faite d’humilité et de respect devant les arcanes insondables des réalités humaines; pour l’observation méticuleuse d’un quotidien ordonné selon les règles immuables d’une cosmovision antique; pour l’adéquation parfaite entre les sons et les images qui nous font entrer dans l’intimité d’une femme frappée dès la naissance par une inéluctable fatalité; le jury de Présence autochtone 2006 accorde le grand prix Teuikan à A Bride of the Seventh Heaven.


Entre la jeunesse et la sagesse

Le marcheur profitant d'une courbe de la voie jette un regard sur ce qu'il laisse derrière lui. Sans attendrissement nostalgique cependant. Son pas est décidé et toute son énergie est concentrée vers la destination à atteindre. Ozunkhiline n'est pas un personnage fictif, c'est un Abénaki qui a laissé sa marque dans l'histoire d'Odanak ; ayant appris que l'université de Dartmouth ouvrait ses portes aux Amérindiens, il prit la voie ferrée et marcha jusqu'à l'institution pour y étudier. Une fois diplômé, il revint fonder une école dans le village. La gravure d'Alanis Obomsawin, où on sent l'inébranlable détermination de l'homme entreprenant le voyage qui va changer son destin et celui des siens, devient l'emblème de Présence autochtone 2006.


Osunkhiline
Alanis Obomsawin, 2005
Gravure

Un moment en quart de profil, on évalue le chemin parcouru en sachant que dans ce point de suspension la phrase est inachevée, que ce fugace répit n'est qu'une parenthèse sur un parcours dont on ne connaît pas ni les embûches ni les découvertes.

Effervescence de formation et de questionnement autour de la jeunesse des Premières Nations : la pyramide des âges, la globalisation planétaire et les problèmes sociaux à l'échelle de la communauté se conjuguent pour créer un état d'urgence. Pressons-nous lentement, mais ne perdons pas une minute; le temps nous est compté.

Les artistes ont semé des signes de pistes qui se lisent comme un calepin de route. Soupeser les acquis, actualiser l'héritage, revitaliser les langues, reconstruire l'autonomie sociale et individuelle, tracer des itinéraires prometteurs : des oeuvres qui prennent le temps de voir haut et loin, un court instant, car la route qui nous attend est longue.

Au bout, la septième génération.


Des raisons de fêter !

Dire bonne fête est lourd de sens. C'est consacrer un moment, de ce temps-là, en tant que point décisif de l'histoire où s'est joué un destin.

Plusieurs anniversaires et commémorations se chevauchent dans ce Présence autochtone 2006. La constitution d'une mission en en lieu donné du Nitaskinan donne la mesure des 100 ans de Manawan. Une communauté s'affirme bien au-delà des quelques arpents de la réserve et proclame son appartenance à un ensemble géographique, national, humain, plus vaste que le périmètre où, à une certaine époque, on voulait la confiner. Bonne fête les Atikamekw !

La revue Recherches amérindiennes au Québec a commencé à être publiée, il y a 35 ans. Loin d'en limiter le lectorat aux cercles savants, son sérieux scientifique en aura fait une référence, chacun des numéros devenant une balise le long d'un parcours d'échanges et de dialogues entre cultures et civilisations. Sachant comment une publication est une aventure périlleuse, une durée de plusieurs décennies, marquée par une constance dans la rigueur et l'honnêteté, mérite certainement qu'on dise en choeur : bonne fête la revue !

La Fédération des coopératives du Nouveau Québec a derrière elle 60 ans de bons et loyaux services auprès des Inuit du Nunavik. De l'importation de biens de consommation courante à la commercialisation de l'art inuit, il y a là un remarquable échafaudage où économie et culture s'épaulent, chacune assurant tour à tour le développement de l'autre. Bonne fête les coopérants !

La Guilde canadienne des métiers d'art est certainement une institution vénérable : on est à lui confectionner un gâteau de 100 bougies. Les artistes des Premières Nations lui doivent d'ailleurs une fière chandelle, pour toutes ces années, où l'entreprise aura diffusé et vendu leur production. Joyeux anniversaire et longue vie à la Guilde !

Le solstice d'été est un feu de joie où l'humanité reconnaît ses liens symbiotiques avec le grand ordre de l'univers. Au Québec, 21 juin et 24 juin se seront trouvé un « fête à fête » pour que l'amitié entre les peuples se perpétue.

Ce lieu, Montréal, où selon le nom iroquois de l'archipel, « les courants se rencontrent et se séparent », est manifestement voué à la rencontre et à l'échange ; c'est son côté lumineux. Mais cette rencontre peut aussi dégénérer en division et en affrontement ; c'est là son côté sombre.

Puisse donc la célébration — les célébrations — devenir cérémonial éclairant pour dissiper dans les rayons de l'astre solaire l'esprit de discorde et pour que, dans un esprit de partage, tous les peuples de la Terre puissent se rassembler autour de l'arbre de la paix qui, selon les mots du grand Kondiaronk en 1701, « brille désormais sur la plus haute montagne du monde »... le mont Royal, bien entendu !